Photographers

Fabrice Simon

Dans la nature, l'homme du XXe siècle a désappris à sentir, à comprendre, à voir. C'est un bipède maladroit qui avance avec un bruit de canon, dans une forêt de mystères. On dit que l'homme moderne est un super-prédateur, c'est un abus de langage car les prédateurs eux, connaissent tous les rouages du monde vivant . Non, l'homme moderne est tout simplement et bêtement, destructeur. Car il ne sait même plus de quoi son environnement est fait. Des générations entières, le regard rivé sur leurs écrans plats et leurs portables, regardent la nature comme hostile, inconnaissable ou, au mieux, l'utilisent comme un terrain de jeu, un théâtre pour des activités de loisirs.

Nature ignorée ou nature consommée. Nos grands-pères nous racontaient la nature, nous emmenaient « aux champignons » ou à la pêche, glaner des mûres ou nous partions à la billebaude. Ces émotions-là se sont imprimées dans l'enfance, elles ont fait leur chemin et parfois elles ressurgissent pour façonner des vies d'adultes.

Mais aujourd'hui, qui transmet cette force de la nature, cette beauté du monde sauvage qui toujours nous trouble parce qu'elle nous remet à notre place d'homme ? C'est ici que les photographes ont leur rôle, des photographes comme Fabrice Simon. C'est un passeur entre un monde que nous ne savons plus regarder et notre instinct qui cherche toujours, confusément, ces images qui nous sont nécessaires parce qu'elles ont toujours accompagné l'Homme depuis des millénaires...

Qu'il photographie, au fin fond de l'Alaska, l'éducation d'un grizzly ou, dans la mare derrière chez lui, l'échappée d'un ragondin, Fabrice nous fait du bien avec ses images. Grâce à lui, nous retrouvons de l'autre côté des apparences, dans la face cachée de la nature, dans ce monde que nous avions oublié mais qui fait partie de nous mêmes depuis ces temps obscurs des cavernes ou Homme et Nature étaient liés.

Nous nous projetons d'autant plus facilement dans cet univers premier que les images de Fabrice Simon sont faites avec une immense modestie... Elles sont évidentes, lumineuses...

Aucune prétention d'auteur, aucune posture esthétique ne vient alourdir un regard tendu vers la beauté telle qu'elle est ; ces photos sont ciselées dans la matière brute du monde naturel, avec l'humilité de ces milliers d'heures d'affût et de tous les sacrifices qu'un photographe de nature doit consentir pour, ici et là ,lever un coin du voile. Fabrice a su disparaître, se fondre dans la nature pour mieux nous la révéler.

C'est plus qu'une passion, presque une ascèse car, dans cet exercice de la photo de nature, des semaines d'approche se cristallisent dans le 1/1000 de seconde d'un portrait furtif, ou s'évanouissent avec l'animal rebelle qui détale pour toujours. Cet engagement total -car les photographes de nature sont eux aussi engagés- voilà le prix à payer pour nous offrir cette promenade émue dans les sentiers profonds qui mènent au monde sauvage, à nos enfances et à l'enfance du monde.

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